Exposition d'Aline Jaquet-Tissot
Ode aux arbres
« Avant la tempête, qui a frappé La Chaux-de-Fonds le 24 juillet 2023, j’ai fait une ballade au Parc des Crêtets. J’ai trouvé une branche de pin tombée par terre et je me suis dit que cela ferait un superbe pinceau.
Au retour des vacances, les arbres du Parc Gallet n’existaient plus. Ma branche était toujours dans son vase, présence silencieuse et vibrante. J’en ai fait des pinceaux – en vérité des pins-sceaux –.
Cette branche m’a poussée à peindre. Cet esprit des arbres m’a mise en mouvement. Le pin-sceau a commencé à danser, à chanter, à griffer ou graver les feuilles de papier. De la germination à la chute, de la chute à la création, dans un flux organique.
Ici un séquoia, ici un tilleul, ici un hêtre, ici un sapin et ici une forêt sont apparus. Véritable surgissement de vies. J’ai laissé le pin-sceau dessiner, je me suis laissée émerveiller par la beauté qui nous entoure, traversée par le souffle de vie que les arbres nous offrent.
Le pin-sceau m’a permis de prendre conscience de la générosité des arbres, veilleurs, majestueux et bienveillants, simplement présents dans une verticalité souple et accueillante, traits d’union entre Terre et Ciel, entre esprit et matières.
Arbres qui nous murmurent mille secrets, miroirs qui nous permettent de nous relier et de nous élever, ce qu’avait magnifiquement exprimé Baudelaire dans Correspondances :
« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,Ayant l’expansion des choses infinies,
Aline Jaquet-Tissot
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens. »
Des arbres
Une installation de grands dessins (entre 4 et 6 mètres) sur papier, à l’encre de Chine. Les déplacements d’air les feront bouger doucement, mais à l’envers, comme si leurs racines étaient dans le ciel.
« Il y a trois-quatre ans que ce projet grandit en moi. Assez précisément depuis que la sécheresse dans le Jura est devenue notoire, qui menace les grands sapins, aux racines peu profondes. […] Je me suis mise à les dessiner, puis à les peindre.
D’abord petits, ces sapins ont peu à peu grandi, le mouvement du bras suivant l’élan des branches. J’ai fini par en faire un vraiment grand (5 mètres). Pour le voir à la verticale, j’ai dû le suspendre à l’extérieur de mon immeuble, car aucun autre lieu n’était disponible. Quand je l’ai vu en transparence depuis l’intérieur et en entier depuis l’extérieur, quand je l’ai entendu bruisser doucement dans la brise, fantôme d’arbre, mémoire de vie, ce que j’ai vu m’a persuadée que le projet pouvait toucher d’autres que moi. J’ai alors cherché un lieu loisible d’en accueillir une petite forêt… et me voilà. »
Jeanne Waltz